Non-violence

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La non-violence est présente dans mes romans un pays, une communauté et l’arbre turquoise

non-violence
« Notre vie commence à s’arrêter le jour où nous gardons le silence sur les choses graves » Martin Luther King Jr.

Non-violence : définition

Un « non » au viol de la personne dans son intégrité; la mienne, celle de mes proches, mes voisins et plus largement celle des habitants de mon pays et du monde encore inconnu. La violence engendre la violence et isole celui ou celle qu’elle vise ; un acte courageux pour lui faire barrage développe la solidarité.

Humour

La non-violence n’est en aucun cas une attitude de passivité. Celui ou celle qui en use, dénonce les actes injustes, en essayant de ne pas piétiner son auteur, par la force et la diffamation, les armes du violent.

Elle est toujours à inventer. L’humour en est son vêtement, l’intelligence son squelette, la dignité ses tripes, le respect son cœur et la bienveillance son sang.

Se battre pour défendre sa vie et les vivants, l’exigence de notre passage sur terre, nous rend résiliant. Fermer les yeux et les oreilles sur les cris des souffrants, creuse peu à peu notre tombe de l’oubli.

Tissu social


Je n’ai pas connu de réelle violence frontale, si ce n’est un passage éclaire en pleine guerre de Bosnie, et dans les pays d’où elles étaient menées : checkpoints, bombes, snipers, terreur, soldats, armes, trafics, propagande, rumeur, endeuillés, vengeance, découragement, camps de réfugiés…Assez pour garder en mémoire la sidération et la peur reçues en pleine face. Ce que j’ai compris, c’est que l’absence de tissu social permet à la violence de se propager. À contrario, les organisations de paix, ou celles volontairement libres et spontanées, recréaient la cohésion sociale pour aider à reconstruire la confiance et l’humanité

Il y a encore plus à dire sur le sujet. Beaucoup de questions découlent de cette réflexion; la première étant: quelle est la limite de la non-violence? Face à l’agression, manipulation et calomnie, une bonne colère, un coup de poing ? En tous les cas, pas l’inertie.

Degrés

J’ai trouvé ce texte de Françoise Héritier.
« Sans idéaux, il n’y a ni libération ni résistance aux pires formes de la violence, surtout pas de résistance collective ; et cependant, il ne peut y avoir aucune garantie concernant le ’bon usage’ ou le ’mauvais usage’ des idéaux. Disons mieux, il y a certainement des degrés dans la violence qui accompagne la formulation et la mise en œuvre des idéaux, mais pas de degré zéro. Il n’y a donc pas de non-violence. »
Ici, la non-violence est perçue comme l’absence de réaction, résistance et combat; le « non » privatif étant assimilé à la passivité. Peut-être le mot est-il trop complexe ou ambitieux, et qu’il nous faut en trouver un autre.

non-violence Lutte Malville
Lanza del Vasto

Debout

Donc, puisque la non-violence est perçue par beaucoup comme négative, du fait de son privatif, la violence devenant de ce fait positive ! il n’est pas inintéressant de la substituer par des mots constructifs.

Le premier qui me vient à l’esprit est : dignité. La non-violence pourrait ainsi se définir comme la défense des droits humains par la dignité ; ou bien, la défense des vivants par la dignité.

Pour Gandhi, il y avait deux mouvements. Le premier étant un comportement respectueux au quotidien, en s’abstenant de nuire à nous-même et notre environnement. Le deuxième, l’action en cas de heurt ; opposer à l’adversaire l’attitude entretenue au jour le jour, avec courage et détermination. Quand nous pensons à la non-violence, c’est le deuxième mouvement qui nous vient à l’esprit ; le premier n’en est pas moins important, voire primordial.

Dignité

En reprenant le terme de dignité, la non-violence pourrait se définir comme : la défense des droits humains (ou des vivants) avec la dignité cultivée au quotidien, par des actions courageuses et déterminées contre la violence.

Non-violence : une petite histoire

Non-violence
Gandhi et Thoreau

L’émissaire

Sur une route, un homme marche, las des tourments qui pèsent et des pensées qui tournent.

Il est l’interprète du roi, envoyé dans le camp ennemi, pour refuser la capitulation.

Choisi pour son savoir et son intégrité, il ne se permet aucun écart dans l’honneur et la fidélité.

Il est l’interprète de son maître, missionné pour condamner son peuple, sans aucune compassion.

Flatté pour sa science et son mérite, il excelle dans la vertu de l’idéologie qui purifie et qui tue.

Il dispense l’amour à sa famille et prie ; mais la justice passe devant, sans aucune exception.

Comblé par la richesse, les diplômes, les médailles, la notoriété, il se sait un homme insatisfait.

Il n’entend et ne voit, autour de lui, que le mépris et la folie ; la peur le laisse sans réaction.

Écrasé par la culpabilité, il se dit irresponsable des horreurs et de la terreur qui l’oppressent.

Il cherche sans cesse l’oublie de lui-même et de ses sentiments, afin de taire sa répulsion.

Envahi par l’angoisse, pour lui et ses proches, il cherche la proximité de celui qu’il recopie.

Il est l’interprète du seigneur de la guerre, il est l’émissaire de l’abus de la force et de l’oppression.

Avalé par la spirale de la violence, il ne voit d’autre choix que d’avancer dans la peur qu’il fuit.

Il est seul face au débordement de ses émotions, loin de l’humanité qui crie, vide de résolutions.

Courbé sur la route, il va sacrifier un peuple, au nom du seul homme qu’il a un jour admiré.

Retournement

Il s’arrête face à une montagne, elle lui évoque à la fois le calme et l’impossible ascension.

Accablé par le doute, il s’effondre, le visage tourné vers la cime, où larmes et poussière se mêlent.

Il a besoin de paix et de temps ; incapable d’avancer, la montagne lui rappelle sa folle mission.

Interpellé par un rêve, face au sommet, lui vient le choix soit de l’affronter, soit de le contourner.

Il se sent seul dans le discernement, il peut aussi renoncer, mais calme dans la détermination.

Émerveillé par la simplicité du courage, il décide de changer sa mission et de représenter la paix.

Il comprend que ce choix en appelle un autre, plus vrai, celui de rendre compte de son action.

Allégé de la peur, mais non de l’anxiété, il décide de faire face à celui qu’il redoute et de traverser.

Il comprend alors qu’un simple acte de courage est construction, alors que la lâcheté est destruction.

Fatigué, il se sent pourtant plein d’une autre force que celle de la peur, celle, aimante, de la vérité.

Sur une route un homme marche, sans résister au mouvement de la vie qui le pousse à l’attention.

Il a vu que le respect conduit à l’estime de soi et des autres ; sans cela il n’y a pas de liberté.

Il a compris que l’amour permet de s’ouvrir à soi et à l’autre, par la spontanéité et l’improvisation.

Il a senti que l’impasse est dans le cœur qui ne permet aucun compromis ; lâcher ouvre une porte.

Il sait que le vrai courage et de reconnaître ses limite ; que sans humilité il n’y a pas de compassion.

lutte non-violente
Ne pas fuir le conflit, mais le traverser avec dignité. 

 

Non-violence : métaphores


La forêt

On m’a raconté une histoire que quelqu’un avait entendue d’une personne qui ne l’avait pas elle-même vécue. Elle commence dans une forêt. Immense, à perte de vue ; du moins quand nous pouvons le constater en montant en haut d’un gigantesque feuillu et que les autres cimes ne nous cachent pas l’horizon. Dans l’antre vert, des insectes et des champignons naissent de la chaleur comme de l’humidité. Des lianes pendent comme des filets à papillons et des racines ressortent comme des dinosaures ressuscités des temps reculés. Des fleurs et des odeurs. Celles des essences et de l’humus. Un fleuve et des affluents arrosent les troncs. Alors que les oiseaux habillent les branches en des drilles mystérieuses, les singes se renvoient leurs cris, lesquels recouvrent ceux des autres animaux. Des humains aussi.


Respiration


Certains d’entre eux soignent les âmes des arbres pour que la terre puisse respirer et prospérer. Un lent travail d’équilibre pour l’ensemble des vivants. Ils viennent de tribus diverses et multiples nichant dans les clairières et les berges dégagées. Dans un village, un feu brille de fête et de chants ; il célèbre les esprits et la Mère. Les vapeurs de chacun des foyers se rejoignent en une brume blanche se gonflant le matin de la transpiration des arbres. À travers l’écran nacré, la lumière chasse l’obscurité. Les vivants respirent la clairvoyance oxygénée.


Le nuage


Subitement, une nuée épaisse à la couleur de la nuit vient cracher la peur d’un monstre caché. Elle est si dense que nul ne peut distinguer le feu qui la produit. Certes il y a cette titanesque saignée laissant derrière elle la désolation, le déracinement et la maladie ; le fléau à la mâchoire bruyante et dévoreuse de vie. Une voie goudronnée où circulent des poids lourds chargés de profits, derrière laquelle des brasiers de mort et de désespérance remplacent les végétaux. Une buée charbon qui masque le soleil de la fertilité. Mais celle noire et menaçante recouvrant les sylves ne dévoilent aucune flamme pour y lire le secret. Seulement, comme on le dit souvent, il n’y a pas de fumée sans feu.


Asphyxie


Plus les chasseurs rentrent dans les bois et plus ils s’enfoncent dans l’incompréhension. Les guérisseurs ne voient plus les signes pouvant les éclairer. Ils perdent le lien avec les esprits protecteurs pour écouter leurs messages de clarté. Les habitants et les ouvriers se sentent oppressés. Alors le monde se tait. Les médias, les politiques et les scientifiques donnent un nom au brouillard. Néanmoins ils ignorent l’épicentre embrasé. Qui alimente l’incendie ? Quel est le combustible qui noircit les idées jusqu’à la terreur irréfléchie ? Pendant ce temps, les états imposent la réclusion dans les émanations ; ils fournissent le nécessaire pour ne pas avaler les gaz et le remède pour prévenir l’asphyxie. Un effort collectif est demandé pour éteindre la fumée.


La solitude


Les résidents se débattent dans l’air vicié et la brume ébène de la crainte ; ils tournoient dans la colère ou bien se figent dans l’inertie. Alors que s’obscurcissent les chemins et les portes de sortie, les consignes sont données pour s’affoler. Les yeux bandés et la bouche masquée, les occupants s’enlisent dans la panique généralisée. Le corps s’enfume et se consume dans l’anxiété accumulée. Point d’autres remèdes que l’apnée. Les jours et les années coulent ; toujours pas de flambeaux pour avancer. Le stress forme des barreaux et l’angoisse des murs étroits pour s’isoler. Désormais clivé, le solitaire appréhende l’ennemi imminent. La mort confirme et resserre sa frayeur. Ainsi isolé, il rejette sur l’autre son désarroi. Se faisant ses tissus s’irritent de l’inflammation et s’imprègnent des exhalaisons.


Incompréhension


Les ténèbres obscurcissent ses réflexions et amenuisent ses réactions. Il se consume dans la tristesse et l’attente d’une solution. Elle arrive enfin pour chasser l’ennui et se présente sous la forme de prévention. Ses atomes sont les mêmes que la fumerolle engloutissant le monde connu ; d’autres restent inconnus. La ruée et la forte incitation pour toujours plus de restrictions. De décrets en décrets, les lois reculent dans l’insensé. Le droit peine à suivre la frénésie des mutations. La frontière se ferme sur la boisée fumigée. Les animaux retiennent leurs chants, leurs cris et leurs frictions. Ils ressentent la peur des humains dépassés. Et toujours point de feu de révélation.


Le feu


Un jour un jeune issu d’une tribu indigène choisit de respirer l’étrangeté. Elle se trouve en dehors de la forêt asphyxiée. Les organes encrassés dès la première apparition du danger, il veut comprendre le feu originel du bouleversement de son milieu. Comme il ne parvient pas à l’entrevoir dans l’amoncèlement de nuages, il le cherche d’un autre point de vue. Non pas en grimpant les arbres désormais éloignés, mais en arpentant les monts étoilés. La paix. Il décide de faire un feu et de bivouaquer. Sans guérisseurs et familles, ni informations ou directions, il guette dans la danse silencieuse des flammèches la musique de la contemplation.


Contentement


Des heures et des semaines durant, il se nourrit de tranquillité. Certes loin des fruits de sa terre, il se contente de chaque découverte lui procurant joie et satisfaction. Des bouffées de honte pour son égoïsme solitaire aussitôt reléguées dans la chaleur lunaire du foyer ou le reflet du soleil sur les lacs clarifiés. Dans la lumière des astres et des rochers, il n’y a ni secret ni peur. Seulement le bonheur d’inhaler l’instant. Là-bas, une étuve d’encre sur des âmes crispées. Ici, la fraîcheur claire de l’esprit alléger.


Le changement


Lui vint l’idée d’agir pour les siens. Puisqu’il ne peut éteindre le brasier mystérieux sans prendre le risque d’éclater ses poumons, il se souvient des gestes simples de son peuple lors des incendies. Il descend dans la plaine et fait des contre-feux. Alors qu’il coupe des arbres pour nourrir les flammes, il créé une zone de sécurité. Il nomme chaque nouveau brasier selon son inspiration.


Mouvement


Tandis que naissent l’un après l’autre les lumignons de la convivialité, la solidarité, l’information, l’entraide sociale, la fête, le cercle pour s’accorder, autant de relations de son peuple, les espaces ainsi créés se remplissent de gens venus prêter main forte. Alors que la sylve se vide d’habitants, par leurs efforts la brume recouvrant jusqu’alors leur monde est chassée vers le lointain. Elle emporte avec elle son feu mystérieux.


Le sourire


À chaque fois que mon ami me raconte cette histoire, il me fait un grand sourire. Il sait que je suis pétri d’habitudes, de peur et de croyances; ce qui explique ma paralysie face au changement. Il attend que je bouge enfin et que je découvre par moi-même ce que je sais déjà au plus profond de moi : que l’amour de la vie est plus fort que la peur de la mort.

non-violence Tolstoï
Tolstoï

Dialogue entre un sage et un contemplatif

« Le repli sécuritaire encourage l’amnésie des libertés essentielles et la paralysie de la juste expression, dit le sage. Le pire, c’est que nous muselons nous-même ; ce qui fait sourire les garants.

— Parce que nous reléguons nos émotions dans l’implacable raison, répond le méditant. La tête sait, mais le corps l’ignore. Les croyances ne nous permettent pas d’exprimer nos besoins profonds. Le corps doit et la tête s’endort. Laisser vibrer l’émotion dans son être complet nous aide à ne pas nous précipiter dans le remords. Apprivoiser ses ressentis et accepter leur enrichissement. L’émotion comme un réservoir d’énergie. Ainsi la peur accroît la vigilance, le dégoût nous protège de la toxicité, la culpabilité ajuste nos actions et notre code morale. Dans la même lancée, la honte améliore notre comportement, l’anxiété nous pousse à résoudre les problèmes en présence, la joie oriente et récompense nos actes. Alors que le doute permet l’inventaire de nos capacités, la gêne corrige nos erreurs et la surprise met nos sens aux aguets. L’ennui prépare la prise de conscience et infuse nos motivations. La colère fournit l’énergie et le courage de l’affirmation face à la menace de notre intégrité. Tandis que la haine repousse l’empiétement de nos droits essentiels, la tristesse appelle au soutien et l’empathie. »

Non-violence : émotions

Les croyances limitantes bloquent la compréhension de l’émotion. Accueillir ces dernières plutôt et les relier à un besoin. Réservoir d’énergie, elles nous invitent à dialoguer avec elles et de les traverser. Au-delà, l’inattendu. De la boucle sombre au chemin de lumière.

Un homme marche sur une voie sans issue. Que faire ? Quand le monde s’en va et que le ciel s’interroge. Une clé. Un message. L’émotion de colère le submerge. Une boule rouge chargée d’étoile. Des éclairs aussi ; remplis de pluie. La tristesse et l’abattement. L’impuissance d’un instant. Un paysage de montagnes s’élève dans la mer ; l’océan se confond avec les prairies. Un horizon turquoise ; une lande violette. Alors la terre embrasse l’azur et le firmament plonge dans l’humus. Un passage. La lumière surgit de la Mère et tombe des esprits. Une colonne centrée sur le cœur ; la porte de la conscience. La compréhension.

Du repli rationnel ?

La peur protège mais enferme. La mort est un voilier qui s’éloigne ; le laisser voguer sur l’autre rive. La Paix. Alors la grotte éclate en mille éclats pour accueillir la clarté. L’écoute. Un soleil grossit d’étincelles et s’étale de paillettes. La joie. D’abord en gouttes puis en rivière, comme de l’huile ; un fluide qui se répand de haut en bas dans le corps ; des entrailles aux racines. Alors l’action. Un pas vers l’évidence, puis deux dans l’effervescence. Une pause pour avaler le contentement. Une inspiration pour ancrer l’espérance. Un homme complet avance sur un chemin garni de fleurs et s’ouvrant sur l’infini. Il forme un bouquet de rire et dit merci.

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