Voyage au pays des pas klezmers

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Tsigane

Voyage au pays des pas klezmers. En début de chapitre de mon roman, la révolution du klezmer, je décris de façon imagée les danses klezmers. Beaucoup de ces danses ont emprunté à celles des pays des danseurs : Ukraine, Bessarabie (Moldavie), Pologne, Russie, Valachie et Transylvanie (Roumanie), Hongrie…Toutefois, tant par les modes musicaux que par la gestuelle des bras et les mouvements des jambes ou les pieds, elles ont réussi à caractériser une identité propre aux Ashkénazes.

Pour citer un exemple de style, lors des horas ou freylekhs, en allant au centre du cercle, les mains ne montent pas plus haut que la hauteur des yeux. Dans le cas des danses mixtes, pour éviter le contact entre les deux sexes, les danseurs se servent d’un mouchoir. Les hommes pausent leurs pouces sur le gilet, tendent leurs paumes en avant ou placent une main derrière l’oreille et l’autre vers le bas. Le salut des femmes est plus discret ; fières et souriantes, un brin sensuelles, les danseuses mettent un doigt ou la main à la taille.

Voyage au pays des danses klezmer
Danser, c’est laisser la musique glisser entre les pieds et le sol

Klezmer : signification

Kli zemer, en hébreu, signifie : « instruments du chant. » À la renaissance, le terme a désigné les musiciens. On les affublait du quolibet de voleur ou mendiant, des piètres instrumentistes et vulgaires. Ils improvisaient; ce que les auditeurs n’appréciaient guère.

Aujourd’hui, la musique et le chant klezmer habillent les fêtes. Dans les pas des musiciens errants d’Europe centrale qui accompagnaient les mariages, autres réjouissances  ou évènements communautaires. Considérée en Israël comme la musique de la Shoah, elle est communément reconnue comme celle de l’exil. Bien qu’en langue et en jeu yiddish, tout au long de son histoire elle s’est imprégnée des coutumes de divers peuples. Elle a évolué au gré de la mode musicale.

Les mélodies et les danses restent fidèles à la tradition. Elles ont été soit sauvegardées aux États-Unis. Elles ont été collectées dans l’Europe par après. Tels les saltimbanques des rois ou des Califes, les klezmorim (pluriel) traversaient les classes sociales avec plus d’aisance que leurs concitoyens ; ils ne se contentaient pas de jouer divers mélodies, ils contaient et clamaient des poésies, à l’instar des ménestrels ou des troubadours occitans. Au seizième siècle, les restrictions des gouvernants locaux les condamna à une quasi mort civile. Les klezmer étaient tenus à distance par les autorités religieuses juives. Ils se produisaient lors des festivités et dans des orchestres de cultures mixtes, chrétiennes, tsiganes

Une ombre, plus meurtrière que tous les pogroms, balaya tout cela. Dans les cirques, théâtres et cabarets, la musique klezmer où, déjà elle égayait les spectateurs lors de ses prestations, après la seconde guère mondiale elle souffla sa rage de vivre des États-Unis à l’Europe.

Voyage au pays des pas klezmers

Les mariages ou les Bar-mitzvahs sont l’occasion de se produire en solo et de briller parmi les convives. Les belles-mères ont même leur danse où elles paradent l’affrontement ou la réconciliation.

À la loupe ancienne

Shtetl

Quand la maisonnée se marie, tout le shtetl se marie. Les villageois chantent et dansent la joie. Un cercle vers la droite, vers la gauche, au centre les mains levées, en arrière les bras baissés. Ils partent en farandole, tel un long serpent fuyant le danger, ou bien ils zigzaguent sous les bras des danseurs afin de se retrouver entortillés,puis ils délient les nœuds pour retrouver leur liberté. Au centre du freylekh brillent à tour de rôle les invités remplis de félicité.

De par son nom, le freylekh exprime la joie ; il appelle à l’improvisation. En Europe, chaque village avait le sien, le style des bras et des pieds bien à lui. Dans certain le pas était traîné, dans d’autre il était frappé. Du cercle à la farandole, en passant par l’exhibition solitaire, il permettait à la collectivité de relâcher les tensions.

Voyage au pays des pas klezmers : les enfants

Les enfants, main dans la main, avancent dans le cercle puis reviennent, ils enchaînent avec des pas chassés. Au centre deux musiciens, un violoniste et un cymbaliste, les animent par un Sher envolé.
Les danseurs se mettent en quadrille, les deux couples opposés traversent et se croisent, un salut, un rire, puis les garçons font tourner les filles. C’est au tour des deux autres couples. Un gamin se place au centre, il fanfaronne en levant les bras, pendant que les autres frappent des mains. Il invite une fillette, ensemble ils tournent avant de la reconduire dans le cercle, toutes les demoiselles y passent. Au garçon suivant. La ronde se remet en mouvement, les quadrilles se coupent à nouveau puis les filles attirent à elles les gars, de futurs mariés ?

Une danse carrée de quatre couples. Le nom vient vraisemblablement du croisement qu’exécutent les couples, deux par deux, à l’instar des danses des cours en Europe.

Les juifs

Ils se tiennent par les épaules ou bien par les mains, les bras levés. Les femmes, les enfants et les hommes marchent sur six temps, d’abord en sautillant, puis ils pointent, lèvent ou frappent alternativement leurs bottes face au centre de la grande ronde. Tout est joie, tout est légèreté. Les danseurs poursuivent longtemps le bulgar, au bon gré des musiciens mais aussi pour les stimuler, alors ils croisent les jambes, puis les écartent et tombent en joignant les pieds.

Le pas est celui de l’hassaposerviko d’origine grec.

Voyage au pays des pas klezmers : controverse

Mains aux épaules, les danseurs partent à droite en croisant le pied gauche, puis ils retournent avec le pied opposé. Huit fois, quatre fois, deux fois, une fois. Ils se prennent la main, bras levés, et ils courent sur le cercle sur quatre pas dont un sauté. Un aller-retour, vers le centre puis à reculons. Les musiciens s’échinent à accélérer la Sirba.

Ce pas de Roumanie se danse à la Serbe !

Le jardin

Les danseurs avancent sur un rythme syncopé, marche, court, court. Deux fois. Sur place ils prennent appui sur la terre et, de l’autre pied, vibrent dans l’air, les bras levés au ciel. Ils poursuivent vers le centre, puis à reculons. Comme en Grèce, comme dans un syrtos, les danseurs tombent sur leurs deux pieds pour marquer le temps fort, ils croisent par-derrière puis par-devant, ils hésitent. Ils posent un pied, ils vibrent la jambe opposée, même chose de l’autre côté. Les hommes et les femmes dansent le terkisher.

Entendez: à la Turque ; plus exactement l’empire ottoman. Pour l’un de ses pas, cette danse ressemble au syrtos de Grèce.

La rose

L’homme tient la femme par la taille, la femme retient son partenaire par les épaules. Le pied en pivot au centre, ils tournent vivement de droite et de gauche. La femme virevolte pendant que l’homme avance vers elle en frappant le talon au sol. À nouveau ils dansent la czardas.

Désaccords

Les musiciens se répondent, comme s’ils n’étaient pas d’accord, comme s’ils cherchaient un point d’entente. Les danseurs, les mains levées, posent le pied droit, l’autre, puis ils pointent le bout de leur botte gauche vers le centre. Ils reviennent sur le même pas. Ils avancent vers le centre sur des petits pas, comme s’ils hésitaient, puis ils reculent de la même façon. Ils avancent de nouveau à droite, deux pas longs puis pas chassés, ils balancent au centre, en arrière, ils font deux pas à gauche puis ils reculent sur un pas de polka. Le cercle se déplace vers le centre droit,
il recule dans le même sens, il forme ainsi de belles tranches de strudel. La grande hora réunit l’ensemble des villageois venus fêter les mariés.

Hora signifie la ronde. La danse est lente et composée de plusieurs variantes. Le pas est sur trois temps.

Voyage au pays des pas klezmers : la ville

Les poètes

Les hommes, les femmes, les enfants se tiennent dans un cercle, deux violonistes sont au centre. Les archets attaquent la mélodie, les pieds se meuvent en bulgar, les mains sont placées sur les épaules.
Les danseurs avancent au centre, ils lèvent les bras en direction des musiciens. Ils frappent trois fois des mains, les violonistes s’arrêtent de jouer pendant que tous crient : c’est comme ça ! C’est bien comme ça ! La ronde recule, elle retourne vers les musiciens, puis elle crie à nouveau : ot azoï ! Git azoï ! Ainsi de suite, dans les rires et les conversations, jusqu’à ce que les danseurs ou les musiciens flanchent de fatigue.

Impulsion

Tous les danseurs, principalement des adolescents, ont une main aux épaules et l’autre levée, ils se tiennent à la queue leu leu, comme un long train de bergers sinuant dans les montagnes des Carpates. Ils avancent en frappant simultanément les pieds. Ils poursuivent en deux pas de polka, puis ils tapent avec le talon gauche, le talon droit, puis deux fois avec la botte gauche. Même pas avec le pied opposé. Ils lèvent la jambe gauche, puis la jambe droite, ils avancent sur quatre pas. Ils font des figures plus acrobatiques : un double ciseau, croisé devant et croisé derrière. La file zigzague sur la place, la honga se faufile entre les musiciens, tout en chant, toute en joie.

Le rejet

Les hommes et les femmes marchent en alternance sur le cercle, seize pas dans un sens, seize pas dans l’autre. Quand la musique change, ils font quatre pas au centre, ils frappent trois fois des mains, ils reculent quatre pas, puis ils tapent trois fois des pieds. Un patch tanz. Chaque couple fait un demi-tour à droite, paume contre paume, puis il se sépare et poursuit avec son nouveau partenaire en faisant un quart de tour à gauche, paume contre paume. L’homme conclut en faisant passer la femme à sa gauche, en un tour sous l’arche formée par leurs bras.

Voyage au pays des pas klezmers : voyage

La communauté

Les hommes se tiennent bras dessus, bras dessous, serrés en une grande mêlée. Ils tombent sur le pied gauche, au centre, et ils se redressent sur le pied droit vers l’extérieur. Le cercle avance en liesse et en un puissant nigoun : oy-oy-oy. Ils twistent maintenant, puis se mettent à la queue leu leu et marchent en tapant des pieds. Ils cheminent en méandre, tel un fleuve vers son delta, ils lèvent tous la main gauche et se la frappent en passant. Les danseurs imitent les hassids qui ne pratiquent pas la danse qui leur est dédiée : le khosidl.

Dans le passé, les danses hassidiques ont évolué à part des festivités populaires ; les gestes symbolisaient la prière et non le jeu. En retour, ceux qui ne vivaient pas dans ces communautés, fondées autour d’un maître, mimaient les religieux dans leur extase et nommaient la danse : khosidlI. Sur une mélodie d’inspiration religieuse, tels les niguns.

L’orphelin

Les enfants font face au centre du cercle, ils se tiennent par la main, levée à la hauteur des yeux. Ils se meuvent vers la droite sur quatre pas, puis reviennent vers la gauche. Sur place, ils lèvent un pied puis l’autre, et de nouveau ils avancent puis retournent au point de départ. Sur le signal des musiciens, ils changent de pas. Ils courent à droite sur des deux temps, puis quatre fois ils croisent le pied droit et se dirigent à gauche. Ils reculent en levant une jambe puis l’autre, trois pas et un frappé. Les enfants dansent la honga. Les joueurs de balalaïka et de cymbalum ne s’entendent plus, tant les gamins font de bruit.

Les roms

Une grande ronde. Les danseurs marchent sur le cercle, dans uns sens puis dans l’autre. Ils avancent au centre en levant les mains, ils reculent en les baissant. Puis c’est la farandole. Le meneur, un foulard coincé entre les doigts, serpente entre les musiciens, des Tsiganes aux violons usés, cymbalums rapiécés, mais des virtuoses renommés. La musique accélère, ainsi se poursuit le long freylekh.

Voyage au pays des pas klezmers : recherche

Le pont

Les villageois se positionnent en couple, ils courent à la suite les uns des autres. Puis le premier couple forme un pont, sous lequel passe l’ensemble des danseurs qui reviennent aussitôt parvenus au bout, puis le couple de tête s’engouffre à son tour sous les nombreuses arches,
inégales selon si ce sont des enfants ou des adultes. Ils dansent la joie, ils dansent le freylekh.

La promesse

Demain à Jérusalem. Les convives entourent leur patriarche, l’ancêtre qui espère la terre de lait et de miel. Les danseurs suivent le rythme de l’oud, de la flûte et du tambourin en levant légèrement les pieds sur place. Ils avancent les mains aux épaules. Un pas, le suivant croisé devant, puis ils balancent le corps, vite lent. Ils marchent à nouveau, deux fois, puis ils sautent sur deux pas. En file ou en croix, les mains gauches tendues au centre, ils marchent deux fois puis ils syncopent en sautillant et en restant sur le pied gauche. Enfin ils concluent les deux pas marchés en frappant deux fois du pied droit, le tout à contre-temps. La grande famille et ses invités dansent une hora aux consonances du Moyen-Orient.

Seul

Le danseur se prépare à mener la grande hora.
La musique est lente, une valse. Il marche vers le centre droit, sur trois pas, un pivot, puis il joint le pied gauche. Ils reculent avec le même pied, toujours à droite, trois fois, un pivot puis il joint le pied droit. Les danseurs le rejoignent, ils sont très nombreux.

Voyage au pays des pas klezmers : les Turcs

Orient

La musique devient plus rythmée, syncopée comme un terkisher. Ils marchent, ils courent deux fois, ils font le même pas du pied opposé. Ils reprennent le pas sur place. De nouveau à droite, deux fois, ils font un arc de cercle avec le pied droit afin de changer de direction. Ils marchent, courent deux fois, même pas du pied opposé, un arc de cercle en pivotant vers le centre. Ils avancent au cœur de la ronde en faisant quatre fois le même pas, concluent par un frappé du pied droit et reculent vers l’extérieur de la même façon.

Le don

Ils avancent face au centre, un pas marché, un pas croisé, un pas frappé. Sur place ils appuient le pied droit, tombent devant puis le reposent. Même chose à l’opposé. Ils partent vers la gauche et font huit pas en croisant le pied droit devant, ils concluent en frappant leurs godillots usés. Ils refont le pas sur place. Ils vont au centre du cercle sur trois pas puis un levé, même chose à reculons. Ils évoluent à gauche en croisant devant et en croisant derrière, puis ils concluent par un tricot deux fois plus rapide. Les klezmers chantent la danse de la joie, ils dansent le freylekh.

Voyage au pays des pas klezmers : Ouest

La tanz

Les danseurs forment un grand cercle ouvert, au centre les enfants en figurent un autre. Ils ont tous les bras en tresse devant. Les cercles évoluent vers la droite, le pied gauche posé devant, son opposé derrière, comme si le corps balançait ou hésitait. Puis trois pas vers le centre droit, les bras tendus devant. Un temps d’arrêt et même chose avec le pied droit en arrière, les bras baissés.

Le serpent

Puis les meneurs, un adulte et un adolescent, partent sur un autre pas, ils enroulent leur ligne vers le centre en un grand escargot, puis ils la déroulent tel un long serpent, sur le même pas, mais marché. Ils frappent de temps en temps un des deux pieds. Ils concluent sur trois petits pas, soit à la grecque, pied gauche derrière, pied droit joint, pied gauche devant, soit à la russe, pointe droit vers la droite, vers le centre et joint contre le pied gauche. Puis ils reprennent la danse depuis le début. Tout est silencieux, mystérieux, comme une grande méditation collective, d’où se dégage une intense paix, une profonde félicité.

La maison

Les danseurs sont par couple, les hommes à l’intérieur du cercle, les femmes à l’extérieur. Ils courent douze pas sur la droite, ils concluent par un pointé devant, à côté puis les deux pieds joints. Même chose à gauche. Les couples se font face. Les hommes et les femmes partent tous à droite sur trois pas, au quatrième temps ils claquent des mains avec le partenaire suivant. Ils reviennent se remettre en couple et frappent des mains. Ils se prennent la main droite, ils avancent, reculent, puis changent de place, les hommes faisant passer la femme sous leur bras. Ils refont le même pas, l’homme se retrouve donc à l’intérieur et la femme à l’extérieur, le kolomeyke peur recommencer. Il y a tant de rires, de confusions, mais cela n’empêche pas la convivialité, la complicité des invités venus célébrer la mariée.

Kolo signifie ronde. Le pas est le même que le Korobushka russe.

Voyage au pays des pas klezmers : révolution

La fête

Les mariés sont en tête, toute la parenté et les convives derrière eux. En face, les klezmers jouent un freylekh. Les couples avancent vers eux, une longue traversée sur le plancher dégagé de la grange. Les hommes et les femmes se séparent tel un jet d’eau qui retombe en deux cascades à son point de départ. Les couples se reforment et se dirigent à nouveau vers les musiciens. Ils se divisent, un à droite, un à gauche, puis s’associent à deux. Ainsi de suite, quatre puis huit couples. Tout le monde s’arrête et salue les klezmers. Le marié sort son foulard blanc, le coince entre ses doigts, puis entraîne sa ligne à droite. Il zigzague entre chaque rang qui se lie entre eux en une
grande farandole. Une aiguille et un long fil qui, ensemble, cousent la fraternité comme la joie.

Les mariés sont en tête, toute la parenté et les convives derrière eux. En face, les klezmers jouent un freylekh. Les couples avancent vers eux, une longue traversée sur le plancher dégagé de la grange. Les hommes et les femmes se séparent tel un jet d’eau qui retombe en deux cascades à son point de départ. Les couples se reforment et se dirigent à nouveau vers les musiciens. Ils se divisent, un à droite, un à gauche, puis s’associent à deux. Ainsi de suite, quatre puis huit couples. Tout le monde s’arrête et salue les klezmers. Le marié sort son foulard blanc, le coince entre ses doigts, puis entraîne sa ligne à droite. Il zigzague entre chaque rang qui se lie entre eux en une
grande farandole. Une aiguille et un long fil qui, ensemble, cousent la fraternité comme la joie.

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